Présentation de la situation :
Sophie est une jeune femme âgée d’une trentaine d’année, accompagnée par le SAJ depuis environ 8 ans. Elle vit au domicile de ses parents, et bénéficie d’un environnement familial très bienveillant.
Malheureusement, Sophie perd subitement son papa. Celui-ci, avant son décès, avait assuré le devenir de sa fille en la confiant à un membre de la fratrie s’il venait, lui et sa femme à décéder. Il a également tenu à ce que Sophie soit la propriétaire d’un appartement dans lequel elle ne vit pas, mais qui est en location depuis plusieurs années.
Sophie, après un long travail de deuil, prend conscience de son souhait très profond, à savoir celui de vivre de manière la plus autonome possible, dans l’appartement dont elle est propriétaire. Elle exprime donc, au sein du SAJ, et par le biais d’entretiens individuels avec sa référente, le souhait de ne pas vouloir concrétiser le vœu de son papa, ce malgré les difficultés qu’elle peut rencontrer au quotidien.
Ce positionnement, Sophie n’ose pour l’instant pas l’exprimer au sein de sa famille. Commence alors, un travail d’accompagnement et de soutien du choix de Sophie.
Avec l’aide de sa référente, Sophie construit une lettre comprenant tous les éléments qu’elle souhaite exprimer à sa famille. Ne sachant lire que quelques mots, cette lettre a été construite en photos. En voici quelques exemples :
Point de vue de la référente :
Référente de Sophie depuis plusieurs années, une relation de confiance s’est installée entre nous dès le début. Néanmoins, le décès de son papa a encore plus consolidé la relation éducative.
Durant cette période, mon travail était d’aider au mieux Sophie à reprendre goût à la vie, à être l’oreille attentive dont elle avait besoin, à être la plus bienveillante possible face au deuil qui l’a pleinement touchée. Mon rôle de référente a été complexe dans cette situation, car je ne savais pas s’il était bien de l’encourager dans son choix d’aller à l’encontre de sa famille. Ce dont j’étais sûre, c’est que je souhaitais que Sophie soit entendue et soutenue par son entourage, peu importe sa décision.
Sophie s’est beaucoup entrainée à lire la lettre que nous avions construite ensemble, et lorsqu’est venu le moment de la lire à sa famille, le stress était intense pour tout le monde. Sophie a osé exprimer haut et fort son choix, à aller jusqu’au bout de ses idées, et ses efforts ont payé. La famille, après la phase de surprise, a finalement entendu et compris le choix de Sophie.
A présent, Sophie est en train de travailler toute l’organisation de ce choix (gestion d’un appartement, atelier vie quotidienne, atelier cuisine…). Ce travail prendra un certain temps, mais Sophie est soulagée d’avoir pu oser affirmer son choix le plus fort, celui d’être un jour autonome dans son appartement.
Point de vue de la cheffe de service :
L’accompagnement proposé à Sophie par sa référente dans le cadre de son projet de vie autonome a permis à Sophie de pouvoir gagner une grande confiance en soi afin de pouvoir le présenter à sa famille, de l’argumenter et partager les différentes étapes de ce projet.
Grâce aux outils utilisés, aux temps individuels consacrés aux échanges, le rapport référente – Sophie s’est modifié : confiance accrue, réelle appropriation du projet en permettant à Sophie de prendre conscience de tous les enjeux et apprentissages nécessaires à faire en lien avec le projet.
Un bel exemple de démarche (qui ne fait que commencer) et qui démontre que prendre des décisions pour soi, faire des choix, les affirmer (sans influence familiale ou professionnelle) reste possible avec un soutien adapté.
La Haute Autorité de Santé le stipule dans ses récentes recommandations sur l’autodétermination, « pour un accompagnement à l’autodétermination réussi », il est essentiel d’ « établir des collaborations fondées sur des relations de confiance entre les différents acteurs (la personne, les professionnels, les familles […] » (2022, HAS, RBPP « L’accompagnement de la personne présentant un trouble du développement intellectuel (volet 1). Autodétermination, participation et citoyenneté. », p.29).
Ce témoignage dessine une illustration parfaite de ce qu’une relation de confiance peut permettre : reprendre goût à la vie après un deuil difficile, prendre conscience et exprimer un désir profond, l’affirmer face à l’entourage et à l’encontre du chemin initialement tracé, puis prendre conscience des efforts à mobiliser et, enfin, affranchir, petit à petit, chaque étape pour y arriver.
Sophie a accepté, sous forme d’anonymat pour préserver son intimité, de partager sa trajectoire avec nous et de mettre en lumière quelques ingrédients clés dont nous pourrons tirer des enseignements pour soutenir l’autodétermination des personnes que nous accompagnons :
- La relation de confiance à créer entre tous les acteurs impliqués, mais aussi,
- le soutien à mobiliser en termes de communication adaptée, et
- la confiance à avoir en le potentiel et les capacités de la personne.